mercredi 27 juin 2018

"Je sens grandir ma peur" de Iain Reid

En finir.

"Qu'est-ce que tu attends ?"


Présentation de l'éditeur

J'ai peur. Je me sens un peu fou. Je ne suis pas lucide. Les hypothèses sont justes. Je sens grandir ma peur.
Un garçon et une fille, dans une voiture lancée à travers la campagne enneigée. Il est absorbé par la route, elle est perturbée par des souvenirs brumeux, ainsi que par d'incessants appels provenant de son propre numéro. Parfois, ils parlent. S'aiment-ils ? Quelques heures plus tard, les voilà attablés face à leurs hôtes, ses parents à lui, dans une ferme reculée. La maison est glaciale, la mère se plaint d'entendre des voix, le couple stocke au sous-sol des peintures inquiétantes. Le fossé entre les deux amants se creuse, sous le poids de tous les non-dits. Et il y aussi cette angoisse, qui a point et ne cesse de grossir, jusqu'à ce que se produise l'innommable...


Mon Avis

Etrange, déstabilisant, unique en son genre... Voici les adjectifs parfaits selon moi pour décrire Je sens grandir ma peur, le premier roman de l'auteur canadien Iain Reid. 

Dès les premières lignes, nous sommes plongés dans la confusion en apprenant que l'héroïne, dont on ne connaîtra jamais le nom, veut en finir... dans le sens où elle veut rompre avec son petit ami Jake, après sept semaines de relation. Malgré cela, elle s'apprête à rencontrer les parents de Jake pour la première fois. Nous explorons ses pensées et nous nous rendons vite compte que cette jeune fille est préoccupée par des appels anonymes étranges qui surviennent fréquemment. Elle n'en a pas parlé à Jake, ni à la police. En effet, l'homme qui lui parle ressasse toujours le même message et raccroche aussitôt :

Il n'y a qu'une seule question qui importe. J'ai peur. Je me sens un peu fou. Je ne suis pas lucide. Les hypothèses sont justes. Je sens grandir ma peur. Le temps de la réponse est venu. Une seule question. Une seule question en attente d'une réponse.

Plus étrange encore, les appels anonymes proviennent de son propre numéro... et ce jour-là, alors qu'ils sont en route vers la ferme des parents de Jake, le message laissé sur son répondeur est différent des autres...

Nous apprenons beaucoup sur les angoisses de cette jeune fille, qui se sent suivie, épiée, surveillée dans la rue et chez elle ; sur ses névroses, sur sa vie qu'elle qualifie d'ennuyeuse ; mais aussi sur sa solitude, malgré Jake à ses côtés. 

L'idée que nous sommes mieux lotis en vivant avec une autre personne, et une seule, jusqu'à la fin de nos jours n'est pas une vérité innée. Cela relève de la croyance.
Renoncer à la solitude, à son autonomie, représente un sacrifice plus grand qu'il n'y paraît pour la majorité d'entre nous.
Partager son espace, sa vie, c'est assurément plus difficile que de vivre seul.

Arrivés à la ferme des parents de Jake, des événements étranges surgissent : les animaux semblent inertes, certains sont même morts, laissés à l'abandon ; la maison ancienne est comme figée dans le temps ; la mère de Jake entend des voix et a un comportement changeant. Dans la cave - un moment angoissant ! - se trouvent des peintures étranges... et Jake est très distant avec la narratrice. Que se passe-t-il dans cette maison ? Où nous mènera cette angoisse persistante ? Qui est l'auteur de ces appels anonymes ? Qui est réellement Jake ?

L'intelligence, est-ce toujours un atout ? J'ai des doutes. Et si cette intelligence était gaspillée ? Et si elle menait à un surcroît de solitude plutôt qu'à l'épanouissement ? Et si, au lieu de clarté et de fécondité, elle ne générait que souffrances, isolement et regrets ?

Ce premier roman singulier a le don de nous plonger dans une drôle d'atmosphère... Nous faisons connaissance avec la narratrice sans vraiment tout savoir d'elle (nous ne savons pas son nom ni sa profession), nous prenons conscience de ses angoisses, de ses névroses, de son "spleen" qui semble avoir pris le contrôle de sa vie. Mais plus encore, Je sens grandir ma peur explore les méandres de la solitude. Peut-on vivre seul ? Peut-on avoir une vie pleine de sens en étant seul constamment ? Il y a également une réflexion intéressante sur la dépression, mais aussi sur l'amour et la mort.

Que faire quand il n'y a personne ? Quand on s'est efforcé de maintenir son existence 
sans le moindre appui ? (...) Quel sens a la vie, alors ?

Les bruits, les chuchotements, les bruits de pas, les sonneries des appels anonymes, les silences... Le roman foisonne de bruits et de silences inquiétants, ce qui augmente considérablement la sensation d'angoisse chez le lecteur.

Pas de bruit derrière la porte. Personne ne frappe. Je n'ai pas entendu de pas. Ce n'est qu'une impression, mais très claire. On dirait qu'il y a quelqu'un juste derrière cette porte. Qui m'espionne ?

Cependant, ce roman ne plaira pas à tous les lecteurs. En effet, on est bousculés, désarçonnés parfois à cause des longues réflexions psychologiques de la narratrice et de Jake. Ceux qui aiment l'action seront peut-être déçus car le début est assez lent, même si les choses s'accélèrent à la fin du roman. Bref, les lecteurs seront soit déçus soit enchantés par ce roman singulier. Les lecteurs férus de thrillers psychologiques et qui recherchent l'originalité passeront à mon avis un excellent moment de lecture. 

En bref, Je sens grandir ma peur est un thriller psychologique singulier, étrange et glaçant. L'angoisse est installée dès les premières pages et le dénouement ne peut que nous laisser sans voix. C'est un thriller qui se détache remarquablement des autres. Il a le mérite de nous amener à réfléchir sur le mal-être, la dépression et la solitude d'une manière étonnante et originale. Pour moi qui adore découvrir des premiers romans et leurs styles, j'ai été pleinement satisfaite. Vivement la publication du deuxième livre de Iain Reid. 

Un grand merci aux éditions Presses de la Cité et à NetGalley !



Je sens grandir ma peur (I'm Thinking of Ending Things), Iain Reid, traduit de l'anglais (Canada) par Valérie Malfoy, Presses de la Cité, avril 2018, 208 pages, 18 €, format Kindle : 12,99 €.

Lire les premières lignes ? C'est par ici !

Bonus : Interview de l'auteur par Text Publishing (en anglais)



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dimanche 24 juin 2018

Premières lignes #41 : "Dans les eaux du Grand Nord" de Ian McGuire

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...


J'ai choisi de vous présenter les premières lignes de ma dernière acquisition, Dans les eaux du Grand Nord du Britannique Ian McGuire, paru récemment aux éditions 10/18. Sa couverture, sa quatrième m'avaient charmée. J'ai commencé à le lire et j'ai tellement été intriguée par ses premières pages que j'ai décidé de vous en dévoiler les premières lignes. C'est parti.


Patrick Sumner, un ancien chirurgien de l'armée britannique traînant une mauvaise réputation, n'a pas de meilleure option que d'embarquer sur le Volunteer, un baleinier du Yorkshire en route pour les eaux riches du Grand Nord. Mais alors qu'il espère trouver du répit à bord, un garçon de cabine est découvert brutalement assassiné. Pris au piège dans le ventre du navire, Sumner rencontre le mal à l'état pur en la personne d'Henry Drax, un harponneur brutal et sanguinaire. Tandis que les véritables objectifs de l'expédition se dévoilent, la confrontation entre les deux hommes se jouera dans les ténèbres et le gel de l'hiver arctique. 



CHAPITRE 1



         Voyez l'homme.
       Sorti à pas traînants de la cour de Clappison, il arrive dans Skyes Street et hume l'air chargé de mille odeurs : térébenthine, farine de poisson, moutarde, plomb noir et, comme tous les matins, la lourde puanteur de pisse des vases de nuit qu'on vient de vider. Il renifle, frotte son crâne hérissé de poils courts et remet en place l'entrejambe de son pantalon. Il flaire ses doigts, puis les lèche lentement un par un pour récupérer les ultimes reliefs de son repas, histoire de ne pas perdre un penny. Au bout de Charterhouse Lane, il tourne dans Wincolmlee, au nord, passe devant la taverne De La Pole, la manufacture de chandelles en blanc de baleine et le pressoir à huile de lin. Par-dessus les toits des entrepôts, il aperçoit le haut vacillant des grands mâts et des mâts de misaine, il entend les cris des débardeurs et le bruit sourd des maillets dans la tonnellerie voisine. Son épaule frôle la brique rouge usée, un chien court dans la rue, une carriole s'avance chargée d'une haute pile de rondins bruts. Il inspire encore une fois et promène sa langue le long des remparts incertains de ses dents. Il sent monter en lui un nouveau besoin, faible mais persistant, une nouvelle exigence qu'il faut satisfaire. Son bateau partira aux premières lueurs du jour, mais d'abord une tâche doit être accomplie. Il regarde tout autour de lui et se demande un moment de quoi il s'agit. Il remarque l'odeur rose du sang qui sort de la boutique du charcutier, un froufrou de jupons sales. Il pense à de la chair, animale, humaine, puis réfléchit à nouveau. Ce n'est pas un besoin de ce genre, décide-t-il, pas encore ; c'est l'autre, le moins pressant des deux.
       Il fait demi-tour et repart vers la taverne. A cette heure de la matinée, le bar est presque désert. Un feu brûle faiblement dans l'âtre, une odeur de friture plane dans l'air. Il plonge une main dans sa poche, mais n'y trouve que des miettes de pain, un canif et une pièce d'un demi-penny. 
       — Un rhum, dit-il.
    Il pousse son unique pièce sur le comptoir. Le barman examine le demi-penny, puis secoue la tête.
       — Je pars demain matin à bord du Volunteer, explique-t-il. Je te laisserai une promesse de paiement. 
       Le barman renifle. 
       — Est-ce que j'ai une tête d'imbécile ? dit-il.
       L'homme hausse les épaules et prend le temps de réfléchir.
       — Pile ou face, alors. Mon bon couteau contre une rasade de ton rhum.
       Il pose son canif, le barman s'en empare et l'examine avec soin. Il déplie la lame et la teste contre le gras de son pouce.
       — Oui, ça c'est du beau couteau, dit l'homme. Il ne m'a encore jamais lâché.
       Le barman tire un shilling de sa poche et le montre. Il lance la pièce et la plaque brutalement sur le comptoir. Tous deux regardent. Le barman hoche la tête, prend le couteau et le range dans la poche de son gilet.
       — Maintenant va te faire foutre, dit-il.
       L'homme ne change pas de visage. Il ne manifeste aucun signe de colère ou de surprise. C'est comme si la perte du couteau s'inscrivait dans un plan plus vaste et plus complexe dont lui seul est informé. Après un moment, il se penche, enlève ses bottes de marin et les pose côte à côte sur le comptoir.
       — On recommence, dit-il.
       Le barman lève les yeux au ciel et se détourne.
       — J'en veux pas, de tes putains de bottes, dit-il.
       — T'as mon couteau, réplique l'homme. Tu peux plus reculer. 
       — J'ai pas besoin de putains de bottes, répète le barman.
       — Tu peux plus reculer.
       — Je fais ce que je veux, merde !
      Appuyé à l'autre bout du comptoir, un Shetlandais les observe. Il porte un bonnet de laine et une culotte en toile incrustée de crasse. Il a les yeux rouges et baladeurs d'un ivrogne. 
       — Moi je vais t'offrir à boire, dit-il, pourvu que tu la boucles.


Dans les eaux du Grand Nord, Ian McGuire, traduit de l'anglais par Laurent Bury, éditions 10/18, mai 2018, 312 pages, 7,50 €.


Bon dimanche et à bientôt ^^


mercredi 13 juin 2018

"La Fille qui brûle" de Claire Messud

Amitié, en cendres

"Notre éloignement n'avait rien d'agressif ni de cruel, pas pour elle. On aurait dit que j'étais une vieille paire de chaussures et qu'elle en avait deux paires neuves plus élégantes ; elle ne mettait plus les anciennes, sans vouloir les jeter pour autant." 




Présentation de l'éditeur


Julia et Cassie se connaissent depuis toujours. Amies siamoises, copines jumelles, elles savent tout l'une de l'autre et se fraient ensemble leur chemin vers l'adolescence. L'été précédant leur entrée en cinquième, elles fuient leur petite ville de Royston, dans le Massachusetts, par le biais de l'imagination. Enfoui au milieu d'une forêt subsiste un ancien asile dans lequel elles s'inventent des vies dangereuses. Et puis le quotidien reprend son cours, elles ne sont plus dans la même classe, se font de nouveaux amis et s'éloignent peu à peu. Elève studieuse, Julia se prépare pour le concours d'éloquence tandis que Cassie entame de mauvaises fréquentations. Julia observe, impuissante, son amie de toujours lui échapper et se fondre dans la peau, à vif, de quelqu'un qu'elle ne reconnait pas. Jusqu'à ce que Cassie disparaisse. Claire Messud brosse un tableau sombre et envoûtant de l'adolescence à l'ère des réseaux sociaux et dans lequel parents et enfants font l'apprentissage de la séparation, de l'incompréhension, avant de tenter d'écrire leur propre version de l'histoire.


Mon Avis


Après Louise Erdrich avec LaRose, j'ai découvert une autre grande autrice de la littérature, Claire Messud. Française par son père, canadienne par sa mère, et américaine de naissance, elle vit actuellement à Boston et enseigne l'écriture fictionnelle à Harvard. Son roman le plus connu reste Les Enfants de l'Empereur, publié aux Etats-Unis en 2006 (chez Gallimard en 2008), un roman majeur sur le 11-Septembre. Avec La Fille qui brûle, son sixième roman, l'autrice évoque avec finesse et intelligence la condition féminine et le passage violent de l'enfance à l'adolescence. 

Julia et Cassie sont amies depuis le bac à sable. Entre elles s'est tissée une amitié fusionnelle au point que la narratrice, Julia, imagine qu'elles sont des sœurs liées par un fil invisible.

"Quand on est en maternelle, on ne réfléchit pas trop. Filles uniques toutes les deux, chacune présentait l'autre comme la soeur qu'elle n'avait jamais eue. Personne ne pouvait nous croire de la même famille : j'étais grande pour mon âge, aussi robuste que Cassie était menue, et j'avais les cheveux bruns et bouclés. Mais nous avions nos yeux bleus en commun. "Regardez nos yeux, déclarions-nous, en secret on est soeurs."" (page 17)

L'été avant leur rentrée au collège, elles trompent l'ennui en explorant une carrière à environ un kilomètre et demi de Royston, la ville où elles résident. Elles découvrent rapidement, en suivant un sentier, un ancien asile psychiatrique dans lequel elles jouent des rôles dangereux et palpitants.

"Nous ne jouions plus à "on dirait que", parce que nous étions trop grandes, mais au fond ça nous manquait. Une scène aux dimensions d'un asile, ce serait parfait : nous pourrions disparaître au fond des bois dans une cachette secrète et nous remettre à jouer comme quand nous avions dix ans, prétendre que Cassie était résistante pendant la Seconde Guerre mondiale et moi en mission, parachutée d'un avion venu d'Angleterre ; ou que nous étions les deux seules survivantes après l'apocalypse et devions nous nourrir de noix, de baies sauvages et d'eau de pluie." (page 45)

Les deux amies font de l'ancien asile un lieu secret, un monde rien qu'à elles dans lequel elles ont "le pouvoir de transformer n'importe quoi" en ce qu'elles veulent. Mais à la fin de l'été, le rêve s'estompe et Julia sera confrontée à une dure réalité : les choses changent, les gens changent, plus rien ne sera comme avant. Arrivée en cinquième, Cassie et Julia ne sont pas dans la même classe. Cassie fréquente une autre fille - que Julia surnomme "Le Poison" -, a de nouveaux amis, est souvent le sujet de rumeurs. Lorsque Cassie disparaît, Julia tente de comprendre ce qu'il lui est arrivé. 

Le passage en cinquième est à l'image du passage de l'enfance à l'adolescence. Claire Messud a mis les mots justes pour exprimer les émois adolescents, les premières amours, les désillusions, mais aussi ce sentiment de vulnérabilité et de solitude, qui ne nous quittent plus vraiment. C'est la fin de l'innocence. L'autrice relate la violence de ce moment par lequel nous passons tous. Julia se sent trahie par Cassie, par sa prise de distance. Cassie, qu'elle croyait parfaitement connaître, est désormais à ses yeux une étrangère. 

La plume profonde, fine et intelligente de Claire Messud nous amène à réfléchir sur la condition féminine aujourd'hui : comment devenir une femme ? Comment vivre dans le monde terrifiant dans lequel nous vivons aujourd'hui ? Comment y grandir ? Elle pointe du doigt la société, instable et source de peurs, qui réduit la liberté des filles et des femmes.

"Parfois, je me disais que grandir en étant une fille, c'était apprendre à avoir peur. Pas exactement à être parano, mais à toujours rester sur ses gardes et lucide, comme quand on vérifie l'emplacement de la sortie de secours au cinéma ou à l'hôtel. Vous découvriez, avec une acuité inconnue dans l'enfance, la vulnérabilité du corps que vous habitiez, ses fortifications imparfaites." (page 116)

Claire Messud décrit à la perfection le changement de perception du monde à l'adolescence, cette prise de conscience brutale sur le monde.

"Le monde s'ouvre sous nos yeux ; l'histoire se déploie derrière vous et l'avenir devant vous, et vous prenez conscience de la vie intérieure, sauvage et inconnaissable, de chaque personne autour de vous, conscience que chacun vit dans un monde muet aussi riche et étrange que le vôtre, et que vous n'avez aucun espoir de connaître quoi que ce soit à fond, pas même vous." (page 118)

Enfin, la référence aux réseaux sociaux est intéressante. Pour l'autrice, ils renforcent la solitude, le mal-être et l'angoisse chez les adolescents mais aussi chez les adultes. De quoi nous amener à réfléchir sur notre relation avec les réseaux sociaux.

En bref, La Fille qui brûle est un roman absolument remarquable sur une amitié fusionnelle entre deux jeunes filles qui décline inexorablement. La fin ce cette amitié sonne comme un "rite de passage universel" (cf. article du New York Times) de l'enfance à l'adolescence. Fin de l'innocence, début des désillusions, premières trahisons, sentiment de solitude envahissant. Il y a également dans ce roman cette nouvelle perception de ce monde terrifiant dans lequel nous vivons. Comment vivre dans ce monde en tant que femme ? Comment se protéger de sa violence ? Et comment, en tant que mère, tenter de préserver sa fille du danger ? 
Irrémédiablement, Claire Messud signe, avec La Fille qui brûle, un grand roman sur la fin de l'enfance. 

Un grand merci aux éditions Gallimard.



La Fille qui brûle (The Burning Girl), Claire Messud, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon, Gallimard, collection "Du monde entier", avril 2018, 256 pages, 20€, format Kindle : 14,99 €.

Lire les premières lignes de La Fille qui brûle ? C'est par ici.

Bonus n°1 : la vidéo des Mots de Minuit 


Bonus n°2 : la vidéo de Chicago Humanities Festival (en anglais)



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lundi 4 juin 2018

C'est Lundi, que lisez-vous ? #98

C'est l'heure du célèbre rendez-vous "C'est lundi, que lisez-vous ?", inspiré de It's Monday, What are you reading ?, repris par Galleane. Le récapitulatif des liens se fait sur son blog.


Chaque lundi, on répond à trois questions :
1. Qu'ai-je lu la semaine passée ?
2. Que suis-je en train de lire en ce moment ?
3. Que vais-je lire ensuite ?


La semaine dernière, j'ai lu :


J'ai fini Funambules de Charlotte Erlih et cette lecture a été pour moi une agréable surprise. J'ai bien aimé le style, original, frais et spontané, mais aussi l'intrigue focalisée sur la création cinématographique. Un premier roman "adulte" plutôt réussi !
J'ai lu le célèbre Mémé dans les orties d'Aurélie Valognes, le livre qui a fait connaître cette autrice incontournable. Je l'ai lu pendant mon hospitalisation et c'était LA lecture qu'il me fallait à ce moment ! C'est simple, c'est drôle, c'est sympathique, c'est feel-good. Je l'ai terminé le sourire aux lèvres et avec une furieuse envie de lire d'autres livres. Merci Aurélie Valognes ! 


En ce moment, je lis :


9 septembre, Manhattan. Un homme ordinaire reçoit une enveloppe anonyme et se met à marcher en direction du métro. À peine s'est-il arrêté sur le quai de la station qu'il explose, semant la mort autour de lui. Très vite, les mises en marche et explosions de ce genre se multiplient à une allure folle. Sam Pollack et Liz McGeary, les deux agents chargés de l'enquête, doivent admettre qu'ils sont confrontés à une attaque terroriste d'une envergure inouïe. Une attaque non revendiquée et d'autant plus difficile à contrer qu'elle transforme des innocents en bombes humaines, faisant d'eux les agents de ce scénario apocalyptique. Tous se sont vu implanter un pacemaker piégé dans les deux dernières années. Tous reçoivent ces fameuses enveloppes kraft et se mettent à marcher. S'ils s'arrêtent, la charge explosive se déclenche, où qu'ils soient, quels que soient leur âge, leur sexe et leur couleur de peau. La cavale sans fin de ceux qu'on appelle les marcheurs de la mort ne fait que commencer. 

Les Marcheurs, Frédéric Mars, La Mécanique Générale, avril 2018, 719 pages, 9,90 €.

Merci aux éditions Ring !


Ma prochaine lecture :



Le blog reprend du service ! J'ai plein de chroniques en retard et j'espère publier au moins deux chroniques cette semaine... On y croit ! Je n'ai pas pu publier mes sélections habituelles des sorties du mois de juin... Les prochaines seront pour le mois de juillet, promis !

Je vous souhaite une excellente semaine pleine de belles lectures.

A bientôt ^^


dimanche 3 juin 2018

Premières lignes #40 : "Qui je suis" de Mindy Mejia

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...


Je suis de retour ! Aujourd'hui, je vous propose de lire les premières lignes d'une de mes dernières réceptions, Qui je suis de Mindy Mejia, un thriller paru récemment chez Mazarine. D'ailleurs, je suis heureuse de faire partie des blogueurs partenaires de Mazarine Thriller ! Bonne lecture !


Hattie Hoffman a passé sa vie à jouer de nombreux rôles : la bonne élève, la bonne fille, la bonne petite amie. Mais Hattie rêve d’autre chose, d’une expérience plus intense… et qui se révèle extrêmement périlleuse. Lorsque son corps sauvagement poignardé est découvert, une redoutable onde de choc traverse la ville de Pine Valley.
Très vite, il apparaît que Hattie entretenait une relation secrète, hautement compromettante et potentiellement explosive. Quelqu’un d’autre était-il au courant ?
Et jusqu’où cette personne était-elle prête à aller pour mettre fi n à cette relation ? Le petit ami de Hattie semble désespéré par sa mort. Son amour profond serait-il devenu une obsession ? Ou l’intrépide Hattie s’est-elle simplement retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment ?
Suggestif et tranchant, ce roman examine la frontière entre l’innocence et la culpabilité, l’identité et la duperie. L’amour conduit-il à la découverte de soi… ou à la destruction ?




HATTIE

Samedi 22 mars 2008




          Fuguer, ça craint.
      J'étais là, à l'endroit même dont j'avais si souvent rêvé pendant les cours de maths, devant le tableau des départs de l'aéroport de Minneapolis, et chaque détail était exactement tel que je me l'étais représenté. Je portais ma tenue de voyage : legging noir, ballerines et sweat-shirt couleur crème, trop grand, qui avalait mes mains et faisait paraître mon cou encore plus long et fin qu'en temps normal. J'avais ma belle valise en cuir et assez d'argent dans mon porte-monnaie pour m'envoler vers tous les endroits que j'avais imaginés. Je pouvais aller n'importe où. Faire tout ce que je voulais. Alors, pourquoi me sentais-je prise au piège ?
        J'avais quitté la maison en douce à 3 heures du matin, en laissant un mot sur la table de la cuisine, qui disait simplement : "A un de ces jours. Je vous aime, Hattie." Un de ces jours, évidemment, ça pouvait vouloir dire n'importe quand. Dans dix ans peut-être. Je ne savais pas. Peut-être que la douleur ne disparaîtrait jamais. Peut-être que je ne pourrais jamais partir assez loin. Le "Je vous aime, Hattie", c'était un peu trop. Dans ma famille, on n'était pas du genre à laisser des messages d'amour dans toute la maison, mais même si mes parents soupçonnaient un truc louche, jamais ils ne penseraient que j'allais traverser le pays en avion. 
        J'entendais presque la voix de maman : Ça ne ressemble pas à Hattie. Il ne lui reste plus que deux mois d'école avant la remise des diplômes et elle joue Lady Macbeth dans la pièce du lycée, bon sang ! Elle était toute excitée.
        Je chassai cette voix imaginaire pour parcourir de nouveau la liste des destinations, en espérant connaître cette exaltation que j'aurais cru ressentir en quittant enfin Pine Valley. Je n'avais pris l'avion qu'une seule fois, quand nous étions allés voir de la famille à Phoenix. Je me souvenais qu'il y avait un tas de boutons et de lumières sur mon siège et que les toilettes ressemblaient à un engin spatial. J'avais voulu commander quelque chose à l'hôtesse qui passait avec son chariot, mais maman avait des pâtes de fruit dans son sac, et c'était tout ce qu'on avait à manger, à part des cacahouètes, et je n'en avais même pas eu. Greg savait que je n'aimais pas ça, et il avait pris les miennes. J'avais été en colère pendant tout le reste du voyage parce que j'étais certaine que j'aurais aimé les cacahouètes de l'avion. C'était il y a huit ans.
        Aujourd'hui, ce serait mon deuxième vol, pour ma deuxième vie.



Qui je suis (Everything you want me to be), Mindy Mejia, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, Mazarine Thriller, mars 2018, 400 pages, 22 €.


Je vous souhaite un excellent dimanche !

A demain ^^