mercredi 27 juin 2018

"Je sens grandir ma peur" de Iain Reid

En finir.

"Qu'est-ce que tu attends ?"


Présentation de l'éditeur

J'ai peur. Je me sens un peu fou. Je ne suis pas lucide. Les hypothèses sont justes. Je sens grandir ma peur.
Un garçon et une fille, dans une voiture lancée à travers la campagne enneigée. Il est absorbé par la route, elle est perturbée par des souvenirs brumeux, ainsi que par d'incessants appels provenant de son propre numéro. Parfois, ils parlent. S'aiment-ils ? Quelques heures plus tard, les voilà attablés face à leurs hôtes, ses parents à lui, dans une ferme reculée. La maison est glaciale, la mère se plaint d'entendre des voix, le couple stocke au sous-sol des peintures inquiétantes. Le fossé entre les deux amants se creuse, sous le poids de tous les non-dits. Et il y aussi cette angoisse, qui a point et ne cesse de grossir, jusqu'à ce que se produise l'innommable...


Mon Avis

Etrange, déstabilisant, unique en son genre... Voici les adjectifs parfaits selon moi pour décrire Je sens grandir ma peur, le premier roman de l'auteur canadien Iain Reid. 

Dès les premières lignes, nous sommes plongés dans la confusion en apprenant que l'héroïne, dont on ne connaîtra jamais le nom, veut en finir... dans le sens où elle veut rompre avec son petit ami Jake, après sept semaines de relation. Malgré cela, elle s'apprête à rencontrer les parents de Jake pour la première fois. Nous explorons ses pensées et nous nous rendons vite compte que cette jeune fille est préoccupée par des appels anonymes étranges qui surviennent fréquemment. Elle n'en a pas parlé à Jake, ni à la police. En effet, l'homme qui lui parle ressasse toujours le même message et raccroche aussitôt :

Il n'y a qu'une seule question qui importe. J'ai peur. Je me sens un peu fou. Je ne suis pas lucide. Les hypothèses sont justes. Je sens grandir ma peur. Le temps de la réponse est venu. Une seule question. Une seule question en attente d'une réponse.

Plus étrange encore, les appels anonymes proviennent de son propre numéro... et ce jour-là, alors qu'ils sont en route vers la ferme des parents de Jake, le message laissé sur son répondeur est différent des autres...

Nous apprenons beaucoup sur les angoisses de cette jeune fille, qui se sent suivie, épiée, surveillée dans la rue et chez elle ; sur ses névroses, sur sa vie qu'elle qualifie d'ennuyeuse ; mais aussi sur sa solitude, malgré Jake à ses côtés. 

L'idée que nous sommes mieux lotis en vivant avec une autre personne, et une seule, jusqu'à la fin de nos jours n'est pas une vérité innée. Cela relève de la croyance.
Renoncer à la solitude, à son autonomie, représente un sacrifice plus grand qu'il n'y paraît pour la majorité d'entre nous.
Partager son espace, sa vie, c'est assurément plus difficile que de vivre seul.

Arrivés à la ferme des parents de Jake, des événements étranges surgissent : les animaux semblent inertes, certains sont même morts, laissés à l'abandon ; la maison ancienne est comme figée dans le temps ; la mère de Jake entend des voix et a un comportement changeant. Dans la cave - un moment angoissant ! - se trouvent des peintures étranges... et Jake est très distant avec la narratrice. Que se passe-t-il dans cette maison ? Où nous mènera cette angoisse persistante ? Qui est l'auteur de ces appels anonymes ? Qui est réellement Jake ?

L'intelligence, est-ce toujours un atout ? J'ai des doutes. Et si cette intelligence était gaspillée ? Et si elle menait à un surcroît de solitude plutôt qu'à l'épanouissement ? Et si, au lieu de clarté et de fécondité, elle ne générait que souffrances, isolement et regrets ?

Ce premier roman singulier a le don de nous plonger dans une drôle d'atmosphère... Nous faisons connaissance avec la narratrice sans vraiment tout savoir d'elle (nous ne savons pas son nom ni sa profession), nous prenons conscience de ses angoisses, de ses névroses, de son "spleen" qui semble avoir pris le contrôle de sa vie. Mais plus encore, Je sens grandir ma peur explore les méandres de la solitude. Peut-on vivre seul ? Peut-on avoir une vie pleine de sens en étant seul constamment ? Il y a également une réflexion intéressante sur la dépression, mais aussi sur l'amour et la mort.

Que faire quand il n'y a personne ? Quand on s'est efforcé de maintenir son existence 
sans le moindre appui ? (...) Quel sens a la vie, alors ?

Les bruits, les chuchotements, les bruits de pas, les sonneries des appels anonymes, les silences... Le roman foisonne de bruits et de silences inquiétants, ce qui augmente considérablement la sensation d'angoisse chez le lecteur.

Pas de bruit derrière la porte. Personne ne frappe. Je n'ai pas entendu de pas. Ce n'est qu'une impression, mais très claire. On dirait qu'il y a quelqu'un juste derrière cette porte. Qui m'espionne ?

Cependant, ce roman ne plaira pas à tous les lecteurs. En effet, on est bousculés, désarçonnés parfois à cause des longues réflexions psychologiques de la narratrice et de Jake. Ceux qui aiment l'action seront peut-être déçus car le début est assez lent, même si les choses s'accélèrent à la fin du roman. Bref, les lecteurs seront soit déçus soit enchantés par ce roman singulier. Les lecteurs férus de thrillers psychologiques et qui recherchent l'originalité passeront à mon avis un excellent moment de lecture. 

En bref, Je sens grandir ma peur est un thriller psychologique singulier, étrange et glaçant. L'angoisse est installée dès les premières pages et le dénouement ne peut que nous laisser sans voix. C'est un thriller qui se détache remarquablement des autres. Il a le mérite de nous amener à réfléchir sur le mal-être, la dépression et la solitude d'une manière étonnante et originale. Pour moi qui adore découvrir des premiers romans et leurs styles, j'ai été pleinement satisfaite. Vivement la publication du deuxième livre de Iain Reid. 

Un grand merci aux éditions Presses de la Cité et à NetGalley !



Je sens grandir ma peur (I'm Thinking of Ending Things), Iain Reid, traduit de l'anglais (Canada) par Valérie Malfoy, Presses de la Cité, avril 2018, 208 pages, 18 €, format Kindle : 12,99 €.

Lire les premières lignes ? C'est par ici !

Bonus : Interview de l'auteur par Text Publishing (en anglais)



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A bientôt ^^





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