dimanche 19 août 2018

Premières lignes #44 : "Tenir jusqu'à l'aube" de Carole Fives

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...



La rentrée littéraire a débuté cette semaine, et c'est donc un "Premières lignes" spécial que je vous propose aujourd'hui : je vous présente le premier chapitre de Tenir jusqu'à l'aube, le nouveau roman de Carole Fives, publié chez Gallimard et paru le 16 août dernier. Une jeune mère solo s'échappe toutes les nuits de son appartement, dans lequel dort son fils de 2 ans, pour trouver un peu de liberté. De cinq minutes à quelques heures, le délai qu'elle instaure est de plus en plus long... Elle tire sur la corde, mais pour combien de temps encore ? 
Ma chronique sur cet excellent roman est à venir très prochainement sur le blog !
Bonne lecture :) 









     Avec quelle confiance l'enfant a avalé ses pâtes, ses légumes. Il a même terminé le yaourt aux fraises, son biberon de lait tiède. Avec ça, il devrait être calé.
     Elle lui a lu une histoire, est restée près de lui jusqu'à ce que les petits poings se desserrent et relâchent enfin sa main.
      Elle a encore patienté quelques minutes, l'obscurité de la pièce à peine perturbée par le stroboscope de la veilleuse lapin.

      La porte d'entrée qu'elle referme avec mille précautions derrière elle.
      Dans le hall, l'éclairage automatique se déclenche. 
      Il y a encore tant de monde dehors.
      Un grand vent frais.
      Marcher, juste, marcher. A peine le tour du pâté de maisons.
      De la musique sort des fenêtres ouvertes d'un appartement, des rythmes de salsa. Elle perçoit des silhouettes. Des voix reprennent en espagnol un refrain qu'elle ne connaît pas. Quelqu'un se penche à la fenêtre, elle accélère.
      Elle stoppe net devant la vitrine d'une agence immobilière. Les annonces s'illuminent sur les écrans LCD. Dernier étage avec terrasse, 1 100 euros. Triplex ensoleillé, 850. La campagne à la ville, maison + jardinet, 1 200. Idéalement placé, traversant est-ouest, 850. Joli canut, pentes de la Croix-Rousse, 880. 
      Plus loin un autre appartement, une autre fête. Un son plus rock, plus puissant.
      Un livreur à scooter l'évite de justesse sur le trottoir, elle bondit et s'excuserait presque.
      Cette petite bande éméchée traverse la rue, il est vraiment ! Il est vraiment phénoménal.
      Mais son smartphone vibre déjà dans sa poche.
      Elle ralentit, savoure ses derniers pas.
      Le badge sur l'interphone, les escaliers quatre à quatre.
      Sixième étage droite.
      Elle rouvre la porte, essoufflée.

      A l'intérieur, rien n'a bougé.
      Dans la petite chambre, le ronflement régulier de l'enfant.
      Il est encore enrhumé, demain, elle lui fera un lavage de nez, même s'il déteste ça.
      C'est bon pour ce soir.
      Désormais elle tient ce trésor, elle pourra recommencer.


Bon dimanche !
A bientôt ^^




      

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