vendredi 10 février 2017

Good Morning, Midnight

"Le soleil réapparut enfin dans le ciel gris du cercle Arctique qu'il zébra de pourpre incandescent. (...)
La clarté rougeoya à l'horizon et s'infiltra dans le bleu métallique de la toundra, projetant des ombres indigo sur la neige. L'aube se leva tel un mur de feu dévorant ; le rose délicat passa de l'orange à l'écarlate, tandis que les couches de nuages se désintégraient l'une après l'autre jusqu'à l'embrasement du firmament."


Auteur : Lily Brooks-Dalton
Traducteur : Sylvie Schneiter
Editeur : Presses de la Cité
Genre : Contemporain
Date de parution : 26 janvier 2017
Nombre de pages : 270
Prix : 19,50 €
Prix Kindle : 7,99 € (VO)


Présentation de l'éditeur


Augustin, vieil astronome sexagénaire, refuse de quitter sa base dans l'Arctique alors qu'une catastrophe sans précédent est annoncée. Sa rencontre avec une mystérieuse fillette de huit ans change ses plans. Il décide de reprendre contact avec l'extérieur, mais ses tentatives restent sans réponse...
A bord d'une navette, Sully, jeune astronaute, tente de regagner la Terre avec son équipage, mais Houston ne répond plus. Seul Augustin capte son appel.
Que se passe-t-il sur Terre ? Que reste-t-il de leur planète ? Au fil de leurs échanges, Augustin et Sully vont partager leurs peurs et leurs regrets, et se rapprocher malgré l'immense vide qui les sépare.

Mon Avis

La toundra, le ciel étoilé. La lumière, l'obscurité. Le jour, la nuit. Tout respire la dualité sur cette belle couverture. Son côté "post-apocalyptique" m'a aussi beaucoup intéressée. En ce moment, je lis beaucoup de romans de ce genre. J'avais commencé à  le découvrir il y a quelques années avec La Route de Cormac McCarthy, puis l'année dernière avec Anna de Niccolo Ammaniti, puis cette semaine avec Dans la forêt de Jean Hegland. C'est une thématique qui me passionne. Comment peut-on survivre dans un monde aussi hostile, privé de tout confort auquel nous ne sommes que trop habitués ? Néanmoins, Good Morning, Midnight offre une approche différente des autres romans post-apocalyptiques. Différente et très intéressante.
Je remercie les éditions Presses de la Cité pour cette lecture coup de cœur. 

Nous sommes en Arctique dans l'observatoire Barbeau. Augustin, 68 ans, astronome solitaire admire l'apparition si rare d'un lever de soleil sur la toundra. Les autres chercheurs ont évacué la base depuis longtemps maintenant. Seul Augustin a décidé de rester, même s'il est conscient que personne ne reviendra le chercher. Personne ne l'attend à l'extérieur. Il s'était fait à l'idée d'être abandonné, lorsqu'il découvre Iris, une petite fille de 8 ans, cachée dans un des dortoirs. Il essaie alors de contacter la base militaire, puis de capter toutes les autres fréquences. En vain. Seul le silence lui répond. Quant à Sully, jeune femme astronaute, revient de mission avec son équipage. La peur s'empare de la navette lorsque Houston ne répond plus. Ils n'ont pas le choix. Ils rejoignent la Terre, leur maison, qui reste désespérément silencieuse. Que s'est-il passé ? Qu'adviennent-ils de leurs familles ?

Il me faut tout de même signaler que le contact radio entre Augustin et Sully apparaît très tardivement dans l'intrigue. Et, comme dans la plupart des romans post-apocalyptiques, l'origine de la catastrophe est et restera floue. Il faut juste se contenter de plusieurs hypothèses, mais pas d'une grande révélation. On ne connaît même qu'un seul aspect de cette catastrophe énigmatique à la fin du récit. Ne rien savoir de ce qui est arrivé sur Terre ne m'a cependant pas dérangée, car l'excellence de ce roman s'appuie sur la psychologie très travaillée des personnages, sur les descriptions maîtrisées et sur un style poétique tout simplement magnifique.

Tout d'abord, les personnages. Ils sont bien construits, ont une psychologie bien dessinée. Augustin est solitaire, antipathique et ne ressent quasiment aucune émotion depuis son enfance, très perturbée. La présence d'Iris sur l'observatoire bouleverse tous ses plans. Plus le temps passe, plus il se prend d'affection pour elle, comme un père. Peu à peu, face au silence assourdissant de l'extérieur, il ressent pour la première fois des émotions, lui dont le cœur demeurait si fermé aux autres. Se sentant de plus en plus faible, il s'inquiète du sort de la petite fille lorsqu'elle sera seule pour faire face à ce monde hostile.

"Cloué sur place, les yeux toujours levés, la main toujours sur le dos d'Iris, il ressentit des émotions pour la première fois depuis des lustres : son impuissance, son isolement, sa peur. Peut-être aurait-il pleuré si les larmes n'avaient gelé au coin de ses yeux" (p.60).

Le silence inquiétant de la Terre bouleverse également Sully et son équipage. Les regrets resurgissent, l'angoisse les étreigne, des tensions apparaissent, la folie les guette à chaque instant. 

"Des germes de discorde avaient été semés entre les astronautes. L'harmonie instaurée entre eux par la prospection de la lune avait volé en éclats et révélé un noyau volatile. Ils avaient peu à peu abandonné le mode de vie prescrit par le Contrôle de Mission et s'étaient coupés non seulement de la Terre, mais aussi les uns des autres." (pp.44-45).

Tous les personnages vont être confrontés à leur passé, notamment Sully et Augustin. Leur passé est émouvant : ce sont deux scientifiques solitaires qui ont délibérément mis de côté leurs vies de famille pour vivre pleinement de leur passion. Cependant, ils vont rencontrer des obstacles, qui vont amoindrir considérablement leur chance de survivre. Car leur objectif est le même : survivre, établir un contact avec la Terre/l'extérieur, avancer, malgré l'angoisse et le désespoir qui ne sont jamais loin.

"(...) combien de temps avant qu'une erreur de Devi ne se révèle fatale ? Avant qu'Ivanov et Tal n'en viennent sérieusement aux mains ? Avant que leur routine précaire ne vole complètement en éclats et que quelque chose de grave ne se produise ? Si tout se passait bien, s'ils arrivaient à rentrer sans mutinerie ou accident, qu'est-ce qui les attendrait ? Quel genre de vie ?" (pp.119-120).

La force de ce roman s'inscrit également dans les descriptions. La citation en haut de la chronique illustre parfaitement la beauté des mots de Lily Brooks-Dalton (il s'agit pour info de la toute première page du livre). J'ai vraiment eu l'impression de voyager en Arctique ou dans l'espace. Il y a aussi de belles descriptions de la nature (les animaux de l'Arctique), des sensations, des sons. C'est une écriture magnifique, fine, délicate. Une vraie merveille.

Les chapitres alternent les points de vue de Sully et d'Augustin, ce qui donne un bon rythme au roman. Le ton est résolument doux, touchant avec ces personnages infiniment seuls. Quant à la fin, même si elle reste ouverte, je l'ai trouvée très surprenante, et elle m'a laissé une très belle impression.

Pour conclure, Good Morning, Midnight est un roman magnifique, au style enchanteur, qui laisse une grande place aux émotions, à cette angoisse latente, à la solitude des personnages face au silence pesant de l'extérieur. Les personnages sont bien définis, les descriptions sont maîtrisées, le ton est doux et délicat. Et c'est un premier roman. A coup sûr, je me précipiterai sur le deuxième roman de cette auteure au style prometteur.



A bientôt pour une prochaine chronique ^^






6 commentaires:

  1. Coucou ma coupinaute,
    Tu enchaînes les belles lectures en ce moment. Je suis contente pour toi. Rien que de lire ton avis, on voyage un minima et on voit combien tu as aimé cet ouvrage tellement tu retranscris les émotions que tu as éprouvées.
    Passe un très bon week-end !
    Gros bisous et à très vite !!

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    1. Ce roman fait vraiment voyager :) Une petite merveille !
      Gros bisous ma belle, passe une bonne journée ^^

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  2. Le roman m'avait déjà intrigué dans ton C'est lundi, que lisez-vous ? et ta rès belle chronique me donne définitivement envie de le découvrir ;)

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