jeudi 27 avril 2017

Sukkwan Island

"Ils n'avaient plus rien à présent et, tandis qu'il tournait la tête et regardait l'appareil effectuer un petit cercle derrière lui, grincer avec violence et décoller dans une gerbe d'eau, il sentit à quel point le temps allait être long, comme s'il était fait d'air et pouvait se comprimer
et s'arrêter."


Auteur : David Vann
Traducteur : Laura Derajinski
Titre VO : Sukkwan Island
Editeur : Folio
Genre : Contemporain
Date de parution : 30 août 2012
1ère parution en France (Gallmeister) : 2010
Nombre de pages : 232
Prix : 7,20 €
Prix format Kindle : 7,99 €


Présentation de l'éditeur

"Le monde à l'origine était un vaste champ et la Terre était plate. Les animaux arpentaient cette prairie et n'avaient pas de noms. Puis l'homme est arrivé, il avançait courbé aux confins du monde, poilu, imbécile et faible, et il s'est multiplié, il est devenu si envahissant, si tordu et meurtrier à force d'attendre que la Terre s'est mise à se déformer".
Une île sauvage de l'Alaska, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C'est dans ce décor que Jim emmène son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d'échecs, il voit là l'occasion d'un nouveau départ. Mais le séjour se transforme vite en cauchemar...

Mon Avis


Vous présenter ce livre-ci est une tâche très difficile. En effet, je ne peux pas trop vous en parler alors qu'il y a tellement de choses à dire de ces 230 pages. Je vais faire de mon mieux. C'est important d'en parler puisque c'est un roman qui m'a marquée. Il restera gravé dans ma mémoire, alors c'est pour vous dire...

Jim, ex-dentiste qui a connu des échecs professionnels et amoureux, emmène son fils de 13 ans, Roy, sur une île perdue de l'Alaska, Sukkwan Island, pour une année entière. Il a envie d'ailleurs, de se rapprocher de la nature, de vivre à la dure et Roy a accepté de l'accompagner. Seulement, on se rend compte rapidement que Jim et Roy n'entretiennent pas une relation père-fils normale. Ils se connaissent à peine.
"Ils ne connaissaient pas cet endroit ni son mode de vie, ils se connaissaient mal l'un l'autre." (p.12).

En effet, Jim et la mère de Roy ont divorcé et chacun vit sa vie de son côté. Roy voit l'occasion de se rapprocher de son père. Mais comme lui, on s'aperçoit que le côté assuré, la débrouillardise et le savoir-faire de Jim en matière de survie n'est qu'illusion. Roy est effrayé chaque nuit par les gémissements de son père. Ce dernier en vient même à confier ses histoires amoureuses à son fils de 13 ans.
"Roy ne voulait pas l'entendre. Il était effrayé et déstabilisé, et il n'avait aucun moyen d'en parler, ni la nuit ni le jour." (p.39).

La part d'ombre du père apparaît, se fait plus nette et s'accroit. Peu à peu se dessine son vrai visage : personnage changeant, bipolaire (de bonne humeur le jour, pleurnichard et déprimé la nuit), il se révèle égoïste, lâche et irresponsable. Sa personnalité, son caractère, ce qu'il est, empoisonne Roy. C'est d'autant plus navrant que Roy est plein d'attentions envers son père : il veut se rapprocher de lui et l'empêcher de commettre l'irréparable, du haut de ses 13 ans.

Cette pression, cette atmosphère au combien malsaine a des conséquences. Un événement tragique surgit à la fin de la première partie. Première claque. J'ai dû relire plusieurs fois ce dernier paragraphe pour tenter de réaliser ce qu'il s'était passé.

"L'île où ils s'installaient, Sukkwan Island, s'étirait sur plusieurs kilomètres derrière eux, mais c'étaient des kilomètres d'épaisse forêt vierge, sans route ni sentier, où fougères, sapins, épicéas, cèdres, champignons, fleurs des champs, mousse et bois pourrissant abritaient quantité d'ours, d'élans, de cerfs, de mouflons de Dall, de chèvres de montagne, et de gloutons. Un endroit semblable à Ketchikan, où Roy avait vécu jusqu'à l'âge de cinq ans, mais en plus sauvage et en plus effrayant maintenant qu'il n'y était plus habitué." (p.13).

La seconde partie est plus sombre, plus funeste, plus morbide. L'atmosphère déjà lourde se dégrade de plus en plus, la folie naissante chez un personnage se fait menaçante. J'ai eu du mal à lire cette partie, tant elle est à la fois dérangeante et forte émotionnellement. Je n'ai pas ressenti d'émotions "larmoyantes", mais j'ai véritablement eu un sentiment d'horreur, de répulsion envers un personnage. La fin de la seconde partie, même si elle est cruelle, m'a en quelque sorte libérée de ce malaise qui planait depuis les premières pages. Double claque.

Enfin, quant au style, il est franc, direct, rude. Le rythme de la première partie est plutôt lent pour mettre en lumière cette idée de routine, ces jours qui se ressemblent, ce temps qui s'allonge. La deuxième partie est, elle, plus prenante même si cette impression de malaise est présente.
En bref, Sukkwan Island est un roman qui ne s'oublie pas. Il laisse en vous une trace indélébile. Outre ses thèmes sur la nature et sur la relation père-fils, l'auteur nous donne une leçon sur la nature humaine dans ce qu'elle a de plus mauvais. Je ne peux pas vous en dévoiler plus car ce serait vraiment vous gâcher cette lecture. Ce que je peux vous dire, c'est que Sukkwan Island est fascinant, saisissant, dérangeant. Comme il m'a marquée, il est assurément un coup de cœur.

A bientôt pour une prochaine chronique ^^



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire