vendredi 14 avril 2017

Hygiène de l'assassin

"— Croyez-vous à une vie après la mort ?
— Non.
— Alors, vous croyez que la mort est un anéantissement ?
— Comment pourrait-on anéantir ce qui est déjà anéanti ?
— C'est une réponse terrible, ça.
— Ce n'est pas une réponse.
— Je comprends.
— Je vous admire."


Auteur : Amélie Nothomb
Editeur : Le Livre de Poche
Genre : Contemporain
Première parution : 1992
Date de parution de la présente édition : janvier 2017
Nombre de pages : 224
Prix : 5,10 €
Prix format Kindle : 6,49 €

Challenge Amélie Nothomb


Présentation de l'éditeur

Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, n’a plus que deux mois à vivre. Des journalistes du monde entier sollicitent des interviews de l’écrivain que sa misanthropie tient reclus depuis des années. Quatre seulement vont le rencontrer, dont il se jouera selon une dialectique où la mauvaise foi et la logique se télescopent. La cinquième lui tiendra tête, il se prendra au jeu.
Si ce roman est presque entièrement dialogué, c’est qu’aucune forme ne s’apparente autant à la torture. Les échanges, de simples interviews, virent peu à peu à l’interrogatoire, à un duel sans merci où se dessine alors un homme différent, en proie aux secrets les plus sombres.
Dans ce premier roman d’une extraordinaire intensité, Amélie Nothomb manie la cruauté, le cynisme et l’ambiguïté avec un talent accompli.

Mon Avis

Connaissez-vous Prétextat Tach ? Non ?! Pourtant, c'est un écrivain mondialement connu, Prix Nobel de littérature ! Et vu son nom, il doit sortir tout droit du premier roman d'Amélie Nothomb, Hygiène de l'assassin.
Le 10 janvier, dans les années 90, on apprend que celui-ci n'a plus que deux mois à vivre. Un cancer des cartilages le ronge. Le 14 janvier, un premier journaliste décroche l'occasion de l'interviewer pour la toute première fois. Il rencontre là un personnage obèse, gras, imberbe, laid, reclus seul dans son appartement, et bloqué dans sa chaise roulante, incapable de se mouvoir. C'est un être odieux, raciste, misogyne, contradictoire, qui déteste aussi bien les journalistes que ses propres lecteurs. Dans ce premier huis clos, le journaliste ne peut finir son interview et s'enfuit. Les trois autres perdent à leur tour le duel. Seule Nina, la cinquième journaliste tient tête au monstrueux écrivain. Il lui révèlera d'ailleurs un horrible secret. Qui sortira gagnant de ce duel ?

C'est le quatrième roman que je lis d'Amélie Nothomb et je suis à chaque fois étonnée de la tournure que prennent ses romans. Celui-ci ne fait pas exception. Le roman se compose presque uniquement d'un dialogue entre Prétextat Tach et les journalistes qui l'interrogent. On apprend beaucoup sur cet écrivain admiré par le monde entier, sur ses opinions contradictoires à propos de l'écriture, de ses lecteurs, de la guerre, des jeunes, entre autres. On a affaire à un homme extrêmement complexe, intelligent, sournois, cynique et cruel. C'est un personnage particulièrement abject (vous l'aurez compris ^^). Il n'y a que le génie d'Amélie Nothomb pour nous faire ressentir autant de dégoût et de mépris envers ce personnage, tout en n'utilisant que le dialogue et très peu de descriptions.


"—      Et les mots, pourtant, vous les aimez ?
      Ah, j’adore les mots, mais ça n’a rien à voir. Les mots, ce sont les belles matières, les ingrédients sacrés.
      Alors la métaphore, c’est la cuisine – et vous aimez la cuisine.
      Non, monsieur, la métaphore n’est pas la cuisine – la cuisine, c’est la syntaxe. La métaphore, c’est la mauvaise foi ; c’est mordre dans une tomate et affirmer que cette tomate a le goût du miel, ensuite manger du miel et affirmer que ce miel a le goût du gingembre, puis croquer du gingembre et affirmer que le gingembre a le goût de la salsepareille, après quoi…" (p.24).


A travers ces interviews de cet écrivain fort antipathique, on décèle plusieurs critiques à l'encontre des journalistes, qui à l'annonce de la mort imminente de l'écrivain se ruent sur lui pour l'interviewer, et lui parlent de ses livres alors qu'ils ne les ont pas lu intégralement.

— Inutile, j'ai compris : vous avez essayé et vous avez démissionné avant même d'avoir atteint la page 10, c'est ça ? Je l'ai deviné depuis que je vous ai vu. Je reconnais à l'instant les gens qui m'ont lu : ça se lit sur leur visage. Vous, vous m'avez l'air ni accablé, ni guilleret, ni gros, ni maigre, ni extatique : vous aviez l'air sain. Vous ne m'aviez donc pas plus lu que votre collègue d'hier." (p.41).

Même si la tension malsaine qui s'intensifie au fil des pages m'a beaucoup plu, Hygiène de l'assassin m'a dérangée, j'ai détesté le personnage de Tach (c'était certainement l'effet voulu par l'auteure !), et j'ai trouvé que le style employé était plus soutenu, plus ardu que ceux des autres romans que j'ai pu lire. La fin m'a également fait beaucoup réfléchir. Le premier roman d'Amélie Nothomb frappe fort. Et il me semble que ceux qui le suivent ne dérogent pas à cette règle.

— "Vous vous rendez compte que cette salope me met à poil, frotte mes bourrelets, douche mon arrière-train ? Je suis sûr que ça la fait jouir, de mariner un obèse sans défense, nu et imberbe. Ces infirmières sont toutes des obsédées. C'est pour ça qu'elles choisissent ce sale métier." (p.42-43).

Pour conclure, Hygiène de l'assassin, le premier roman publié d'Amélie Nothomb, privilégie essentiellement les dialogues et se compose d'un style soutenu mais savoureux. Ce roman met en lumière un personnage odieux, Prétextat Tach, qui n'aime personne, qui affiche sans complexe sa mauvaise foi et son caractère ambigu. Cette tension malsaine est à la fois dérangeante et intelligemment menée. Cette violence des mots, de ces dialogues, est exquise. C'est là toute la force et le génie d'Amélie Nothomb.

A bientôt pour une prochaine chronique ^^





1 commentaire:

  1. Ce livre est terrible, on aime autant qu'on déteste, ou qu'il nous insupporte, je ne sais comment dire... C'est du génie, en effet !

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