vendredi 9 février 2018

"Jake" de Bryan Reardon

Trouver Jake

"Il y a eu une fusillade à l'école de mes enfants. Mes enfants, Laney et Jake sont à l'école. Mes enfants sont en danger. Je n'ai pas peur. Je ne suis pas inquiet. (...) Je mourrais pour les protéger. Ce n'est pas du courage.
C'est un simple fait."


Présentation de l'éditeur 

Simon Connolly est l'heureux père de deux enfants, Jake et Laney. Sa situation d'homme au foyer est pour le moins originale et Simon n'est pas toujours très à l'aise dans ce rôle. Mais, cahin-caha, la famille coule des jours paisibles... Jusqu'au matin où Doug Martin-Klein, un gamin insociable dont Jake est le seul copain, tire sur plusieurs camarades de classe avant de se donner la mort. Les survivants et les blessés sont peu à peu évacués, mais Jake est introuvable. Et très vite soupçonné d'être le complice de Doug. Commence alors pour Simon une véritable descente aux enfers. Comment une chose pareille a-t-elle pu arriver ? Comment a-t-il pu ne rien entrevoir du drame qui se profilait ? Jake est-il coupable ? Où est-il passé ?


Mon Avis

"Des coups de feu ont été tirés au lycée. Présentez-vous calmement à l'église Saint-Michel sur la Route 5." Lorsque Simon Connolly reçoit ce message sur son portable, il se rend à l'endroit indiqué avec sang-froid et détermination. Pour lui, son "instinct protecteur, animal, prend le dessus." L'essentiel est de protéger ses enfants : Jake, 18 ans, et Laney, 15 ans.

"Un policier sort du gymnase. Même à cette distance, je vois qu'il porte des gants chirurgicaux.
Ils sont tachés de sang." (page 40)

Les parents sont rassemblés dans l'église, attendant leurs enfants. L'angoisse monte pendant que beaucoup de parents, soulagés, repartent avec leurs enfants sains et saufs. Laney va bien, elle se trouve avec sa mère, Rachel. Simon attend encore Jake à l'intérieur de l'église.

"J'agonise tandis que la foule diminue, à l'intérieur de l'église. Je ne devais pas être jaloux ou amer. (...) La tempête de terreur, la torture du temps qui passe s'infiltrent dans mes cellules et me désintègrent molécule par molécule. Je peux faire semblant d'être content pour ces familles, mais ce n'est tout simplement pas sincère." (page 47)

Simon essaie de joindre son fils sur son portable plusieurs fois. "A la cinquième sonnerie, quelqu'un décroche". Il entend des bruits lointains mais son interlocuteur, Jake ou quelqu'un d'autre, coupe la communication. Depuis cet instant, Simon aura uniquement accès à la messagerie de son fils. Le silence et l'absence du jeune homme le plongent dans un abyme d'angoisse. Il est maintenant seul dans l'église. Jake est introuvable. Lorsqu'un policier interroge Simon, le monde s'écroule : "Est-ce que votre fils connaît Doug Martin-Klein ?

"Le flic me dévisage. (...) Il entrevoit ma culpabilité, ma peur et mon sentiment d'échec. Il vient de tout comprendre, exactement comme moi lorsque j'ai entendu ce nom." (page 78)

Doug Martin-Klein, le tireur qui s'est suicidé après la fusillade, était un lycéen très perturbé, et Jake était son seul ami. La police, les médias font naître le doute dans l'esprit de Simon : Jake est-il le complice de Doug ? A-t-il tiré sur ses camarades ? En tout cas pour la police, le jeune homme est impliqué. Simon découvre alors qu'il est loin de connaître son fils. Il s'immerge alors dans ses souvenirs, lorsque Jake était enfant, et cherche ce qui a pu déclencher cette folie meurtrière. 

"J'aurais dû l'emmener aux goûters. J'aurais dû l'aider à devenir un meilleur sportif. J'aurais dû l'encourager à être plus sociable, plus bavard. Je n'aurais pas dû le laisser avoir une page Facebook ou un compte Twitter. Je n'aurais jamais dû lui acheter de jeux vidéo ou de pistolets Nerf. Et plus important encore, j'aurais dû pressentir ce qui allait arriver.
Comment ai-je pu ne pas le voir venir ?" (page 246)

Les chapitres alternent donc passé et présent et donnent un bon rythme au récit. Le passé renvoie principalement au comportement de Jake, à son caractère un peu effacé, à ses silences. En effet, il se souvient de tous ces moments passés avec son fils puisque - chose peu ordinaire - Simon a été père au foyer pour élever ses deux enfants. Sa femme, Rachel, est associée dans un grand cabinet d'avocats et c'est donc elle qui "ramène le bacon à la maison". Cette situation ne passe pas inaperçue dans le quartier résidentiel où ils vivent : les voisines, mères au foyer (type Desperate Housewives ^^), s'étonnent de ce mode de vie. 

"Je me dis souvent que Rachel et moi sommes les avant-gardistes d'un nouveau monde. Nous sommes les Rosa Parks (folie des grandeurs assumée de ma part) de l'égalité des sexes."
(page 189)

En explorant son passé, Simon trouve des éléments étranges qui auraient dû l'alerter. Le doute et la culpabilité l'assaillent. Lasse d'attendre, impuissant, il décide de retrouver Jake par ses propres moyens.

L'auteur, à travers ce personnage père de famille, dénonce les conséquences d'une soudaine disparition d'un adolescent après un drame atroce : les tensions au sein du couple, les médias qui affluent comme des "vautours sautillant autour d'une charogne", les voisins soi-disant "amis" qui donnent des témoignages accablants face aux caméras, la foule haineuse qui s'amasse devant la maison... Il y a dans ce roman une tension palpable, des révélations qui nous sèment le doute dans l'esprit du lecteur, en même temps que celui de Simon. 

"Mon Jake. La personne la plus gentille, la plus douce, la plus pure que j'aie jamais connue. Mais le doute persiste. Est-ce que je le connaissais vraiment ?" (page 251)

Dans ce roman noir, à forte dimension psychologique, l'auteur souligne l'amour d'un père pour son fils, au-delà de ce drame atroce. Bryan Reardon nous donne toutes les réponses à la fin de son récit. Il nous livre une fin bouleversante et surprenante. 
Quant au style, je pense que ce roman a la même petite "faiblesse" que la majorité des premiers romans : le style manque très légèrement de personnalité. Néanmoins, il ne fait aucun doute sur ce point : j'ai passé un très bon moment de lecture.

En bref, Jake est le premier roman de Bryan Reardon et j'espère que cet auteur continuera à écrire. Ce roman, à forte dimension psychologique, est le récit d'un père protecteur, aimant, fort mais terriblement rongé par le doute et la culpabilité. Dès le début, l'auteur a su installer une tension presque palpable, et il maîtrise parfaitement le suspense, et ce tout au long de son récit. Jake a même été unanimement salué par la critique américaine, en particulier par le "New York Times". Rien que ça.
Tension, suspense et émotions, ce roman noir est une réussite.



Un grand merci à la collection Série Noire des éditions Gallimard !

Jake (Finding Jake), Bryan Reardon, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Flavia Robin, Gallimard, collection "Série Noire", février 2018, 352 pages, 21 €, format numérique : 14,99 €.



A bientôt ^^








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