vendredi 27 octobre 2017

"Bakhita" de Véronique Olmi

De l'esclavage à la sainteté


"Elle vit dans le chaos furieux du monde.
Et elle ne sait pas où poser sa révolte."


Présentation de l'éditeur 

Elle a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour et a connu toutes les horreurs et les souffrances de l'esclavage. Rachetée à l'adolescence par le consul d'Italie, elle découvre un pays d'inégalités, de pauvreté et d'exclusion. Affranchie à la suite d'un procès retentissant à Venise, elle entre dans les ordres et traverse le tumulte des deux guerres mondiales et du fascisme en vouant sa vie aux enfants pauvres. Bakhita est le roman bouleversant de cette femme exceptionnelle qui fut tour à tour captive, domestique, religieuse et sainte.
Avec une rare puissance d'évocation, Véronique Olmi en restitue le destin, les combats incroyables, la force et la grandeur d'âme dont la source cachée puise au souvenir de sa petite enfance avant qu'elle soit razziée.


Mon Avis

Ses ravisseurs l'ont baptisée "la chanceuse", le sens du nom "Bakhita". Cette petite fille de sept ans, arrachée aux siens, brutalisée, enchaînée, nue, ne se souvient plus de son nom. L'ont-ils l'ont baptisée "la chanceuse" en prémonition de son destin ? 


Véronique Olmi retrace dans ce roman le destin dur et incroyable de Bakhita, une esclave soudanaise entrée dans les ordres en Italie à la fin du XIXe siècle et canonisée en 2000 par le pape Jean-Paul II. Elle vit dans un petit village du Darfour, son oncle est chef du village, son père un homme important. Comme toutes les petites filles, elle est choyée par sa mère. Mais la disparition de sa sœur aînée va la plonger dans une torpeur latente. Sa sœur a été enlevée. Quelques années plus tard, elle va subir le même sort. La petite fille ne va pas comprendre ce qu'il lui arrive, demande pardon à sa mère, la réclame à corps et à cri. Elle ne reverra jamais sa mère ni le reste de sa famille. Bakhita se lie à une autre petite fille, Bina. Un long et horrible voyage commence pour elles et pour les autres esclaves qui doivent faire le chemin à pied, enchaînés les uns aux autres :

"C’est le bruit du fer qui claque et gémit dans le vent. La longue file des épuisés et des mourants. Leurs grimaces de douleur et leurs lèvres brûlées. Leurs yeux aveugles. Leur peau déchirée. Et on dirait que ce n’est pas une caravane qui passe, mais une seule personne, une seule douleur qui pose son pas sur la plaine et l’écrase."

Elle se souviendra toute sa vie, pendant ce voyage, de cette jeune mère esclave et de son bébé, tués avec une violence inouïe. C'est une image qui ne la quittera jamais.
Tel un objet, elle est vendue plusieurs fois. Elle a été le jouet humain de petites filles arabes. Elle a été torturée par un adolescent ignoble. Elle a été l'esclave d'un général turc et de sa femme tortionnaires. Elle a également subi la violence d'autres esclaves. Elle a perdu la trace de Bina, sa chère amie. Cependant, on se pose la question : Bina est-elle finalement le fruit de son imagination ? Malgré ses malheurs, Bakhita garde sa sensibilité et a sans véritablement le savoir, une foi inébranlable. La chance lui sourit enfin lorsqu'elle est achetée par le consul d'Italie à Khartoum. L'homme, doux et compréhensif, veut l'aider à retrouver sa famille. Malheureusement, les dures années d'esclavage ont effacé tous ses souvenirs. 

  "Elle se remémore les siens, avec l’espérance que leurs noms reviennent, mais ils demeurent enfermés dans cet amour immense et anonyme."

Ses conditions de vie ont changé, elle n'est plus esclave mais elle doit tout de même travailler en tant que domestique et nourrice. Lorsque le consul part en Italie, Bakhita le supplie, elle veut découvrir ce pays dans lequel l'esclavage n'existe pas. Un ami de la famille se prend d'affection pour elle et lui fait découvrir le christianisme. La sœur Giuseppina Bakhita, la Moretta, va vivre les deux guerres mondiales depuis son couvent. Elle passera le reste de sa vie là-bas, dévouée aux enfants, aux plus miséreux et aux malades.

Véronique Olmi nous livre le destin incroyable de Bakhita avec sensibilité, force et talent. Je ne connaissais pas cette femme extraordinaire et j'ai été captivée par son histoire. Même si la deuxième partie du roman, qui concerne sa vie religieuse, m'a moins passionnée, j'ai adoré suivre cette femme admirable. J'ai terminé ce livre il y a quelques temps déjà, et une chose m'obsède encore : le personnage de Bina était-il réel ? Bakhita l'a-t-elle créée de toutes pièces ?

En bref, le treizième roman de Véronique Olmi mérite d'être récompensé. Il a obtenu le Prix Roman Fnac cette année et il reste en lice pour le Goncourt notamment. C'est un très beau récit, violent, magistral, qui met en lumière le destin dur puis incroyable d'une esclave devenue sainte. Brillant.




Bakhita, Véronique Olmi, Albin Michel, 23 août 2017, 455 pages, 22,90 €, format Kindle : 15,99 €.


Bonus : un extrait de l'émission "La Grande Librairie" sur France 5 


A bientôt pour une prochaine chronique ^^








1 commentaire:

  1. Coucou ma coupinaute !
    J'ai failli me laisser tenter par ce roman pour me changer un peu de mes lectures habituelles mais la brutalité qu'il laisse transparaître m'a fait passer mon tour. Je pense que j'ai bien fait au vu de ta chronique. Le début a l'air très violent...trop pour mon petit coeur.
    Gros gros bisous et bon week-end <3 <3

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