mercredi 18 octobre 2017

"Le Zoo" de Gin Phillips

Echapper à la mort, à n'importe quel prix

"Vers le milieu, plusieurs épouvantails sont tombés. Une demi-douzaine, soufflés par le vent, suppose-t-elle. Sauf que non, il n'y a pas eu de bourrasque. Et pourtant, les épouvantails sont renversés, éparpillés tout du long jusqu'à l'enclos des perroquets, et encore au-delà.
Non, pas des épouvantails. Pas des épouvantails."



Présentation de l'éditeur :


Le zoo est sur le point de fermer ses portes. Joan et son fils de quatre ans, Lincoln, sont dans leur coin préféré, à l'écart du chemin principal. Ils profitent des dernières minutes. Mais quand ils se dirigent vers la sortie, ce qu'ils découvrent transforme cette journée de rêve en cauchemar : des corps étalés sur l'herbe, des hommes armés de fusils. Sans réfléchir, Joan prend son enfant dans ses bras et court, jusqu'à en perdre le souffle, jusqu'à ce que ses muscles la brûlent.
Pendant trois heures, la mère et son fils vont se retrouver piégés avec les animaux et les tueurs. Pour sauver Lincoln, Joan est prête à tout... même au pire.


Mon Avis

Avec Le Zoo, l'auteure américaine Gin Phillips sort son tout premier thriller. Récompensé par le Prix Transfuge du meilleur polar étranger, et bientôt adapté au cinéma, le Zoo promet beaucoup. A-t-il été à la hauteur de mes espérances ? 



Les premières pages nous baignent d'emblée dans une atmosphère très tranquille, avec une mère et son enfant de 4 ans qui joue avec ses figurines de super-héros, dans un coin retiré d'un zoo. L'heure de fermeture du zoo approche. Joan tente de faire comprendre doucement à Lincoln qu'il doit s'arrêter de jouer lorsqu'elle entend des bruits étranges au loin :

"Alors qu'il parle, un bruit sec, violent, retentit dans les bois. Deux bangs très forts, et puis plusieurs autres. On dirait des ballons qui éclatent. Ou des feux d'artifice. (...) Peut-être une animation pour Halloween ? (...) Un transformateur aurait-il sauté ? Ou peut-être y avait-il des travaux quelque part, un marteau-piqueur ?
Il y a un autre bang. Et puis un autre, et encore un autre. Ca paraît trop fort pour être des ballons, trop espacé pour être un marteau-piqueur. Les oiseaux se taisent, mais les feuilles continuent à tomber." (pp. 18-19)

Lincoln ne se rend compte de rien, mais Joan, dont on suit le point de vue, réalise l'impensable en rejoignant la sortie du zoo :


"Elle voit bouger un bras. Un corps beaucoup trop petit pour être un épouvantail. Une jupe, remontée de façon indécente sur une hanche pâle, des jambes fléchies.
Elle relève lentement les yeux, mais quand elle regarde au loin, derrière les formes allongées par terre, après les perroquets, vers le long bâtiment bas avec les toilettes publiques et les portes marquées RÉSERVÉ AU PERSONNEL, elle voit un homme debout, immobile à côté de la fontaine à eau. Il lui tourne le dos. Il est en jean et tee-shirt noir. Il a les cheveux bruns ou noirs, et à part cela elle ne voir pas les détails, sauf un, quand il finit par bouger : il donne un coup de pied dans la porte des toilettes, son bras remonte pour la rattraper, et elle voit qu'il tient une arme à feu dans la main droite, une espèce de fusil, long et noir, dont le bout étroit monte comme une antenne derrière sa tête sombre alors qu'il disparaît entre les murs vert pâle
des toilettes pour femmes.
Elle pense repérer un autre mouvement du côté des perroquets, un autre personnage encore debout, mais elle n'en voit pas davantage car à cet instant elle se détourne.
Elle attrape Lincoln, le soulève – les jambes du garçon se balancent lourdement -, et le dépose sur sa hanche, sa main droite serrée autour de son poignet gauche sous les fesses de l'enfant, lui offrant une sorte de siège.
Elle se met à courir. »
(pp. 30-31)

Et là, tout bascule. L'atmosphère tranquille du début n'existe plus. On est propulsés dans une ambiance anxiogène, où la tension est permanente. Nous suivons Joan dans ses réflexions, elle qui ne pense qu'à mettre son fils à l'abri. 

"Non. Ils n'arriveront à rien en courant. Il faut qu'ils se cachent si bien que personne ne pourra les voir, même en passant tout à côté d'eux. Il leur faut un terrier de lapin.
Un bunker.
Un passage secret." (page 37).


Elle se raccroche à ses souvenirs qui l'aident à affronter la peur qui veut la paralyser. Elle sait qu'ils sont traqués, qu'ils sont pistés, qu'ils sont poursuivis par des tueurs dont elle ne sait strictement rien. 


Le visage du zoo, si agréable avec son décor d'Halloween, change pour revêtir une apparence beaucoup plus malsaine. Le thème de "SOS Fantômes" et autres musiques d'Halloween retentissent dans un endroit déserté et de plus en plus sombre. 

Le bruit devient leur pire ennemi. Outre cette musique forte, insupportable qui résonne dans les haut-parleurs, les voix des personnages sont constamment réduites au chuchotement ou au silence. Il faut se cacher et se taire. Difficile quand on a un petit garçon de 4 ans... Joan, par bonheur, est un personnage courageux et qui a du sang-froid. Elle sait le calmer par des stratagèmes, sans s'énerver, sans le brusquer. 
Le bruit est un danger. Les respirations, les bruits de pas créent en nous une angoisse latente lorsque nos personnages trouvent enfin un refuge. Le silence est lourd, pesant. L'attente est insoutenable. 

"Elle entend sa propre respiration et le bruit de ses pas, aussi discret que possible, elle entend aussi le vent, la rumeur de la circulation pas très loin, et les feuilles qui frémissent sur les branches - tous les bruits de fond qu'elle ne se donne jamais la peine d'écouter. Elle en a besoin, car Lincoln ne sera jamais tout à fait silencieux. C'est un bon garçon, mais on ne peut pas espérer qu'il reste parfaitement muet, et s'ils se faisaient tuer à cause d'un seul et unique soupir ?"
(page 41).

Le danger, c'est aussi les autres. Joan et Lincoln croiseront d'autres visiteurs du zoo, qui peuvent tous représenter une menace : par le bruit qu'ils peuvent faire, par les choix qu'ils font, par leurs comportements.

Et Joan devra elle aussi faire des sacrifices pour protéger son fils. Elle fait confiance à ses instincts. Dans ce zoo, elle redevient animale, portant constamment son fils sur sa hanche. Joan n'est pas surhumaine à l'instar des super-héros de son fils. Elle agit en tant que mère, avec en tête un seul objectif : protéger Lincoln. 

Ce thriller dont l'action se déroule sur un laps de temps très court, est diablement efficace : une tension permanente, une atmosphère lourde, un sentiment d'angoisse qui va crescendo. Le personnage de Joan est une réussite. En tant que parent, en tant que mère, on s'attache immédiatement à ce personnage, qui ne cède pas à la panique, qui fait preuve d'un sang-froid admirable face à l'horreur disséminée dans ce zoo. Le lien fusionnel qu'elle entretient avec son fils est touchant. 

En bref, Le Zoo tient ses promesses. C'est un excellent thriller au rythme haletant, à l'atmosphère lourde et angoissante. Le zoo, lieu divertissant et agréable, est transformé en un endroit dangereux et sinistre avec sa musique d'Halloween tonitruante qui s'échappe des haut-parleurs. Joan, mère courageuse et dotée d'un sang-froid admirable, devient animale, suit ses instincts, pour protéger Lincoln, son fils de 4 ans. Le danger est partout : les tueurs les pourchassent, le bruit peut trahir leur présence, les autres visiteurs sont susceptibles de les mener à leur perte. Finalement, qui sont ces hommes ? Joan et Lincoln vont-ils s'en sortir ? Gin Phillips signe ici une intrigue originale et prenante qui prend aux tripes. Une excellente lecture que je ne peux que vous recommander.




Le Zoo (Fierce Kingdom), de Gin Phillips, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Haas, Robert Laffont, Collection La Bête Noire, sorti le 21 septembre 2017, 304 pages, 18,90 €, format Kindle : 13,99 €.



Bonus : le book-trailer (VO) 




A bientôt pour une prochaine chronique ^^



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