dimanche 15 octobre 2017

Premières lignes #11 : "Victor Hugo" de Max Gallo

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...

Que diriez-vous de lire les premières lignes de la préface de Victor Hugo par Max Gallo ? Je suis en train de lire cette énorme biographie de plus de 800 pages, et pour l'instant j'adore ma lecture ! C'est parti.




PROLOGUE


Oh ! cette double mer du temps et de l'espace
Où le navire humain toujours passe et repasse...


     Cet homme vêtu de noir qui écrit debout, près d'une fenêtre ouverte, c'est Victor Hugo, un jour du mois de mai 1830.
     Il a eu vingt-huit ans le 26 février.
     Ses cheveux mi-longs, châtain clair, sont rejetés en arrière. Le front ainsi dégagé est vaste, bombé. Le visage aux traits réguliers est empâté et le col blanc de la chemise autour duquel est nouée une large cravate serre un cou gras qu'un début de double menton masque en partie. Tout le corps d'ailleurs paraît lourd. Le gilet, échancré, aux vastes revers, forme de nombreux plis autour de la taille.

    Victor Hugo, enveloppé dans ces vêtements amples, donne l'impression d'un homme installé, d'un notable engoncé dans sa réussite, sa chaîne d'or s'échappant du gilet.
    Et cependant le visage, un peu enflé, conserve quelque chose d'enfantin. Le regard n'exprime aucune arrogance, plutôt de la lassitude, presque de la tristesse. La peau est blafarde.
    Tout dans cette silhouette, ce costume, suggère la gravité, la solennité, l'acceptation ennuyée plus que satisfaite de la renommée.
      Il est le poète comblé des Odes et Ballades, des Orientales, l'auteur de Cromwell, une première œuvre conçue pour la scène - mais les personnages et les rebondissements sont si nombreux qu'elle n'a pu être jouée. Cependant, elle a été lue, discutée, louée. Sa préface a fait figure de manifeste. On a attendu avec impatience les pièces suivantes de l'auteur. L'année précédente, il a écrit Marion de Lorme, acceptée le 14 juillet 1829 par le Théâtre-Français, et interdite par la censure. Que d'égards cependant pour Victor Hugo ! Le roi Charles X a longuement reçu celui qu'il avait invité à son sacre, à Reims, en 1825. Il n'est pas loin de penser ce que Hugo avait écrit dans la préface de Marion de Lorme : rien n'interdit de voir apparaître "un poète qui serait à Shakespeare ce que Napoléon est à Charlemagne" ! Hugo, bien sûr !
     Il s'est donc remis au travail. Et il y a trois mois, la veille même de son vingt-huitième anniversaire, le 25 février, son nouveau drame, Hernani, a été joué au Théâtre-Français, faisant de l'auteur le prince de la jeunesse romantique. Elle s'est battue pour Hernani, guidée par Théophile Gautier, Alexandre Dumas. 
     Le lendemain de la représentation, Hugo a même reçu une lettre de Chateaubriand :
     "J'ai vu, Monsieur, écrit l'auteur le plus célèbre du temps, la première représentation de Hernani. Vous connaissez mon admiration pour vous. Ma vanité s'attache à votre lyre, vous savez pourquoi. Je m'en vais, Monsieur, et vous venez. Je me recommande au souvenir de votre muse. Une pieuse gloire doit prier pour les morts."
     Qu'espérer de plus quand on a noté, à quatorze ans, dans son journal, à la date du  juillet 1816 : "Je veux être Chateaubriand ou rien" ?
     On a vingt-huit ans et "on est".


Je vous souhaite un très bon dimanche et de belles lectures.

A demain ^^




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