dimanche 5 novembre 2017

Premières lignes #14 : "Lumikko" de Pasi Ilmari Jääskeläinen

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...

Aujourd'hui, je vous propose de lire les premières lignes de l'un de mes derniers achats, le tout beau Lumikko... Let's go !




Au sein d'un petit village finlandais prospère une étrange société littéraire composée de neuf écrivains réunis autour de la figure tutélaire de Laura Lumikko, auteur à succès d'une série de livres fantastiques pour la jeunesse. En pénétrant peu à peu dans l'intimité de cette société – grâce à un Jeu aux règles complexes permettant d'arracher la vérité aux membres de la société – Ella, une jeune professeur de finnois aux ovaires déficients, découvre le sombre secret de leur inspiration. Pendant ce temps, Laura Lumikko disparaît, tandis qu'une étrange peste semble s'être abattue sur les livres de la bibliothèque : certains livres voient leur fin subtilement s'altérer...




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     Ella Milana fut d'abord étonnée, puis franchement indignée, quand Raskolnikov se fit soudainement assassiner devant ses yeux, en pleine rue. La prostituée au grand cœur, Sonia, l'avait abattu à bout portant. Cela se passait au beau milieu d'une dissertation littéraire sur le classique de Dostoïevski. 
     Ella Amanda Milana avait vingt-six ans et, entre autres, des lèvres bien dessinées et des ovaires déficients. 
     Le jugement sur les lèvres avait été prononcé ce jeudi même, cinq minutes avant la fin de la pause déjeuner, par un professeur de biologie. Pour ce qui est des ovaires déficients, elle l'avait appris quatorze mois plus tôt de la bouche d'un médecin. En quittant le cabinet de celui-ci, elle était devenue une femme qui au plus profond d'elle-même avait quelque chose de froid et de déficient. Dehors, pourtant, il faisait toujours beau et ensoleillé.
     Trois mois après le diagnostic, deux jours après que les fiançailles d'Ella Milana eurent été rompues, les choses s'étaient arrangées.
     Elle avait, en pensée, fait un inventaire.
    Par exemple, ses lèvres étaient bien. Ses doigts étaient, à ce qu'on lui avait dit, beaux et gracieux. Son visage en revanche n'était pas spécialement beau, ainsi qu'on le lui avait jadis affirmé, mais il était agréable et doux, voire mignon. Ce qu'elle pouvait elle-même constater dans le miroir.
     Et un certain amant avait aussi remarqué, une fois, que ses tétons, par leur couleur, étaient très picturaux - et sans plus attendre, il était allé chercher ses peintures à l'huile dans un coin de l'appartement et les avait mélangées pendant trois heures avant d'obtenir précisément la bonne nuance.
     Ella Amanda Milana fixait le papier quadrillé.
     Devant elle étaient assis trente-sept lycéens dont elle était censée corriger les dissertations, et elle réfléchissait à la couleur de ses tétons. Ce meurtre littéraire inattendu lui avait fait perdre sa faculté de concentration. Elle n'arriverait plus à s'abstraire suffisamment pour faire son travail de lectrice - pas aujourd'hui, pas dans cette classe.


Lumikko (Lumikko Ja Yhdeksän Muuta), de Pasi Ilmari Jääskeläinen, traduit du finnois par Martin Carayol, 10/18, 19 octobre 2017, 406 pages, 8,40 €.

Je ne sais pas pour vous, mais ce roman a l'air totalement étrange et déjanté !


Sur ce, je vous souhaite un très bon dimanche plein de belles lectures.

A demain ^^



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