mercredi 22 novembre 2017

"Victor Hugo" de Max Gallo

La destinée du fils du XIXème siècle

"Encrier contre canon.
L'encrier brisera les canons."



Présentation de l'éditeur :


Victor Hugo est un grand, un immense écrivain. Tout le monde le reconnaît. Mais que sait-on de l'homme, de l'époux, de l'amant ? Et d'abord de l'enfant, écartelé entre son père soldat et sa mère vendéenne, tous deux se déchirant sur la garde de leurs trois fils.

À douze ans, Victor écrit ses premiers poèmes, à quatorze il veut "être Chateaubriand ou rien", à dix-huit ans l'Académie française le célèbre, déjà, et déjà ses colères politiques présagent de son avenir !

Car il sera de tous les combats, dénonçant la misère du peuple, luttant contre la peine de mort, contre les injustices, visitant les prisons, les bagnes...

Lors du coup d'état du 2 décembre 1851, il monte sur les barricades. Menacé de mort, il devra fuir, d'abord en Belgique, puis à Jersey et à Guernesey où la vie se réorganise en famille avec, à ses côtés, sa fidèle maîtresse, Juliette, qui recopie inlassablement ses manuscrits.

Un portrait fascinant qui éclaire de l'intérieur ce siècle passionnant que fut le XIXe siècle, naissant de la Révolution pour mettre au monde la République.


Mon Avis


1819, place du Palais de Justice, Paris. Un échafaud est dressé sur cette place baignée du soleil de midi. "Une femme était attachée à un poteau par un carcan qui lui serrait le cou. C'était une voleuse. La foule se pressait autour d'elle. Dans un réchaud plein de charbons ardents, un fer rougissait." Le bourreau a saisi le fer et a marqué l'épaule de la voleuse. Le cri qu'elle poussa a marqué à vie un jeune homme qui a assisté à la scène. "Pour moi, c'était une voleuse, ce fut une martyre. Je sortis de là déterminé (...) à combattre à jamais les mauvaises actions de la loi." Celui qui écrit ces lignes se nomme Victor Hugo. Il a 16 ans.

Max Gallo (1932-2017), célèbre écrivain et historien, a écrit la biographie de Victor Hugo en deux volumes, sortis en 2001. Le premier volume, Je suis une force qui va !..., et le deuxième, ... Je serai celui-là !, sont réunis dans un seul et même livre, Victor Hugo. Avec son style clair, simple et ses grandes qualités de pédagogue, Max Gallo nous relate la vie grandiose du célèbre poète, de sa naissance à son dernier souffle. En un peu plus de 800 pages, il nous offre un portrait fascinant de ce grand homme, avec ses valeurs mais aussi avec ses travers. Qui était Victor Hugo, l'homme, l'époux, l'amant, l'homme politique, le poète engagé ? Dans ce livre paré de nombreux extraits des écrits du poète, Max Gallo nous explique, année par année, au fil du XIXe siècle et de ses périodes troubles, qui était véritablement cet immense homme de lettres.

Victor Hugo par Nadar (vers 1884)

Inutile de vous raconter toutes les périodes de son existence, Max Gallo le fait bien mieux que moi ! Cependant, j'ai été surprise de constater que Victor Hugo a vécu une enfance perturbée. Ses parents se séparent rapidement et se déchirent sur la garde de leurs trois enfants. Il voyage entre Paris et Marseille : tantôt il est avec son père, tantôt avec sa mère. Le jeune Victor a l'impression à chaque séparation de perdre une partie de lui-même. Sa famille disloquée engendre chez lui solitude et peur. A trois ans, il assiste à la chute mortelle d'un ouvrier sur le chantier de l'hôtel du cardinal Fesch, l'oncle de Napoléon. Cette "mort violente" restera ancrée dans la mémoire de Victor.

Son enfance est également marquée par des voyages en Espagne et en Italie, dus aux affectations militaires de son père, général de l'Empire. Ces paysages lui inspireront bien plus tard les recueils Odes et Ballades (1826) et Les Orientales (1829).
A 11 ans, il écrit ses premiers vers.
A 14 ans, il traduit Virgile, Horace et Lucrèce. Il entretient une forte rivalité avec son frère, Eugène, de trois ans son aîné. Victor en ressort très largement gagnant : il reçoit une mention au concours de l'Académie française et remporte cinq autres prix les années suivantes. C'est qu'il est ambitieux, Victor : il écrit dans la marge de son cahier, à 14 ans, "Je veux être Châteaubriand ou rien."

"Ecrire, c'est faire fondre tous ces sentiments, et tout ce que l'on a appris, et tout ce que l'on rêve, dans le grand creuset intérieur où se forgent les mots. Ecrire, c'est laisser couler hors de soi tout ce que l'on est, puis marteler cette matière en fusion, comme le font les forgerons de l'impasse du Dragon avec le fer. Ecrire comme respirer. Si l'on s'arrête, on meurt. (...) Les sentiments qu'il éprouve sont la matière en fusion, les mots sont le métal que l'on forge,
et les vers deviennent un glaive." (page 104)

"Le poète est comme un soldat. Il agit. Il combat. Il est comme Chateaubriand (...). Comme Voltaire qui dénonçait les injustices, il faut brandir ses œuvres comme une arme."

A 15 ans, face à cette guerre interminable entre ses parents, il décide de devenir indépendant. Il écrit beaucoup et lance même une revue à 17 ans, "Le Conservateur littéraire", grâce à laquelle il se fait remarquer. "Il existe enfin dans le débat littéraire et politique". Il commence à fréquenter les salons littéraires. Et il rencontre enfin son idole, Chateaubriand, à 18 ans. 
Contrairement à ce que l'on peut penser, Victor Hugo a vécu dans la misère à 20 ans, dans une petite chambre avec son frère Eugène. Ce dernier, grand perdant de cette rivalité fraternelle, souffre de dépression sévère. Après avoir enfermé son frère dans un asile, Victor se marie avec son amie d'enfance, Adèle, et eut cinq enfants. 

En exil à Jersey, en 1853.

Max Gallo insiste beaucoup sur l'engagement du poète contre la peine de mort. Il a toujours également défendu les enfants qui vivent dans la misère. Ses œuvres militantes, Le Dernier Jour d'un condamné, Notre-Dame de Paris, Claude Gueux, Les Misérables, sont de grands succès. Et ce succès, aussi bien romanesque que sur les planches, suscite beaucoup de jalousies, dont celle du poète et critique Sainte-Beuve, qui comptait pourtant parmi ses plus chers amis. Certaines de ses pièces (Ruy Blas et Marion de Lorme) sont parfois même interdites. Mais Hugo ne renonce pas. 

L'historien présente également Victor Hugo sous des traits beaucoup moins reluisants. Après la naissance de ses cinq enfants, Adèle décide de faire chambre à part. Elle est lasse et peu préoccupée par la vie trépidante de son mari. Hugo rencontre en 1833 une jeune actrice, Juliette Drouet. Depuis ce jour, il ne cessera jamais de l'aimer. Mais il est si possessif qu'il s'emploie à enfermer sa bien-aimée dans une maison éloignée de Paris. Puis, on apprend, stupéfaits, qu'Adèle accepte cette situation et qu'ils entretiennent, elle et son mari, une relation de simple amitié. Hugo ne s'arrête pas là puisqu'il trompe également son amante avec des actrices et des femmes de ménage. "Chaque fois qu'il possède une femme, que le désir est assouvi, il a l'impression d'être plus avide encore. Un corps ne le rassasie pas." Un jour, Juliette apprendra la vérité et Victor Hugo, secoué déjà par divers scandales afférent à ses maîtresses, s'en mordra les doigts. Néanmoins, Juliette fait figure de la femme loyale et dévouée, qui fera bon nombre de sacrifices pour le poète. 

Léopoldine Hugo, par Auguste de Chatillon

Après le portrait peu reluisant du poète-amant, Max Gallo souligne son attachement à sa famille, à ses enfants. En 1843, Hugo apprend la mort tragique de sa fille Léopoldine. Elle avait 18 ans et venait de se marier. Il est dévasté. Ses enfants sont souvent malades. Sa dernière fille, Adèle, semble souffrir du même mal-être que celui de son frère Eugène. Hugo pense souvent que ces années noires sont les conséquences de ses "amours illégitimes".

Hugo s'engage en politique. Il s'insurge du fossé grandissant entre les pauvres et les riches. Il se prononce contre la peine de mort. "Il voudrait aussi que l'on protège les enfants les plus misérables et les plus exploités, voués au travail dès l'âge de cinq ans !"

"Quand il s'agit des enfants, la loi ne doit plus être la loi ; elle doit être la mère !"

Lors du coup d'Etat du 2 décembre 1851, Victor Hugo est outré lorsque Louis Napoléon Bonaparte emploie la force. Ses fils sont arrêtés à cause des articles qu'ils ont publiés sur le régime en place. Il appelle aux armes. La foule crie : "Vive Victor Hugo !" La résistance échoue et le poète est menacé de mort. Il s'exile avec Juliette à Bruxelles, puis à Jersey. Durant son exil, il écrit l'excellent recueil Les Châtiments, dans lequel il discrédite férocement Louis Napoléon Bonaparte. 
Et chose curieuse, durant son exil, il est coutumier des tables tournantes, des séances de spiritisme dans lesquelles il "converse" avec sa fille disparue Léopoldine, Jésus, Caïn, Dante, Shakespeare ou avec La Mort elle-même... Il est persuadé qu'il y a un au-delà et une force divine qui guide sa plume. 

Victor Hugo avec ses petits-enfants, Jeanne et Georges.
Source : Maisons de Victor Hugo

En bref, il y a tant à dire sur la longue vie de Victor Hugo ! Max Gallo s'y emploie merveilleusement dans un style simple, clair, limpide. On apprend énormément sur ce grand homme de lettres, sur ses valeurs, ses engagements, mais aussi sur ses travers et défauts. Cette biographie brillante, complète et passionnante nous immerge dans la vie du poète, et dans les périodes les plus sanglantes du XIXe siècle. Ce livre immense nous montre la destinée de Victor Hugo comme si l'on regarderait un film. Pas besoin d'avoir des notions poussées en Histoire ou en Littérature. Max Gallo nous explique tout en détails, simplement et clairement. Quand on quitte Victor à la dernière page, à son dernier souffle, on se sent un peu seul, comme abandonné. Une biographie d'exception, à offrir ou à s'offrir.





Un grand merci aux éditions XO !


Victor Hugo, de Max Gallo, XO Editions, 21 septembre 2017, 816 pages, 23,90 €, format numérique : 14,99 €.

Bonus : les premières lignes de cette excellente biographie se trouvent ici !

A bientôt pour une prochaine chronique ^^








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